Naissance du port de Dieppe
Les premières traces de civilisation dans la région remontent à l’époque des Gaulois et des Romains…il y aura également les Vikings vers 910. Les premières empreintes de civilisation se situent à Bracquemont au lieu-dit le camp de César, certaines fortifications sont encore bien visibles, d’autres civilisations viendront et s’installeront à nouveau ici. Les Romains se sont installés sur le site de Bracquemont, mais dans les campagnes de la Gaulle la révolte gronde. Les différents clans s’unissent pour repousser l’envahisseur, leur chef Vercingétorix sera fait prisonnier à Alésia et emmené à Rome. En 1030, Dieppe est mentionnée dans les écrits comme petit port de pêche. A l’époque, la mer remonte avec la marée jusqu’à Arques permettant aux bateaux de se mettre à l’abri des tempêtes. Avec l'effet climatique que nous allons subir il faut imaginer que cela se reproduira. La vallée comportait de nombreuses salines permettant aux habitants de conserver leurs poissons plus longtemps. En 1040 - 1045 les premières pierres du château d’Arques sont posées et sera transformé au fil des années. En 1194, Richard Cœur de Lion débarque avec ses troupes dans la cité avec l’intention de prendre le château. Philippe Auguste prévenu défend son bien. Le roi de France pourchasse Richard Cœur de Lion roi d’Angleterre qui, réfugié à Dieppe, donne l’attaque et prend la ville la réduisant en cendres ainsi que les bateaux dans le port. La ville de Dieppe est soumise à la domination Anglaise, elle redeviendra Française en 1203, année où Philippe Auguste confisque le duché de Normandie à l’Angleterre. Le 1er janvier 1420, Henri V roi d’Angleterre débarque à Dieppe avec l’intention de s’emparer de la ville. Les Dieppois se défendent vigoureusement et au bout de trois semaines de siège ils se laissent séduire par Henri V et le laisse entrer dans la ville. Quelques semaines plus tard, les soldats Anglais arrivent et prennent possession de la ville, les habitants sont traités comme des ennemis. Le 22 novembre 1435, le seigneur Charles Desmarets, accompagné du Maréchal de Rieux et de soldats, escalade les murs d’enceinte de la ville et la reprenne aux Anglais. Mais la Bastille, ce fort construit par les Anglais du coté Pollet sur le haut de la falaise, est toujours entre leurs mains. Le dimanche 11 août 1443, le Dauphin fait son entrée à Dieppe et, le 14 août, il décide de prendre ce fort. Les combats sont terribles, les Français reculent. Furieux de l’échec, Louis retourne au combat et avec ses soldats prennent le fort. En 1465 le duc de Bretagne et le comte de Charolais tentent de prendre Dieppe, mais ils échouent. Le comte de Charolais, devenu Duc de Bourgogne, plus connu sous le nom de Charles le Téméraire, tente lui aussi en 1472 de prendre la ville, mais là encore, c’est un échec. Le 21 septembre 1589, c’est le jour de la célèbre bataille d’Arques qui est toujours dans la mémoire des Dieppois. Elle opposait les hommes du roi Henri IV et de Mayenne. Les troupes d’Henri IV, étaient composées de trois mille combattants et de six cent cavaliers alors que Mayenne avait, pour sa part, sous ses ordres vingt-cinq mille soldats et huit mille chevaux. A dix heures du matin le combat commence, il ne durera qu’une heure mais ce fut le combat le plus dur qui se tint sous les murs du château. Le 16 juillet 1694, les navires anglo-néerlandais vont placer leurs bateaux en demi-cercle de Belleville à Varengeville, le 22, à neuf heures du matin, l’amiral Barklay commandant la flotte donne le signal du bombardement de Dieppe par un coup de canon, le samedi 24, les bombardements continuaient et, le 25, la flottille appareille laissant une ville en ruines. Cette fois, la ville construite essentiellement en bois, favorisera les incendies des maisons. La ville subira de gros dégâts, dans la population une cinquantaine de victimes furent dénombrées et, sur les quatre mille maisons de la citée, trois cent seulement furent sauvées. La reconstruction sera très longue et s'achèvera vers 1720. Dans les années 1668 – 1670, la ville subira une terrible épidémie de lèpre qui fera plus de 10 000 morts. Une léproserie a été mise à jour route de Bonne Nouvelle, elle était située dans la montée des coteaux en face le syndicat mixte, elle fut mise à jour lors des travaux de construction de la route qui monte à Neuville lès Dieppe. De nombreux ossements furent mis à jour par des archéologues, j'étais un gamin et je me rappelle très bien des crânes et ossements mis à jour par ces gens, à l'époque, mes parents avaient une maison juste au-dessus, Sente de Jérusalem. A cette époque les ressources de la mer sont très abondantes. Les gens fortunés ont besoin de poissons pour les jours de jeûne…il faut donc alimenter les grandes villes et surtout la capitale en poissons frais. Débute alors un nouveau commerce par la route: le transport de poisson frais. Les pêcheurs ne pouvant assurer eux-mêmes la livraison de leurs pêches, Le Chasse-marée voit le jour. Ce sont des charriots solides, tirés par quatre ou six chevaux costauds et endurants de la race Boulonnaise, qui attelés deux par deux vont tirer le chariot vers Paris. Ils partent avant la fermeture des portes de la ville vers 18h /19h, et foncent dans la nuit vers la capitale avec leur chargement. Les attelages de chevaux sont changés trois à quatre fois pendant le trajet. Le parcours est dangereux et sans visibilité, juste quelques malheureuses lanternes pour s'éclairer dans la nuit noire. Ils arrivent au petit jour aux halles de Paris en passant par le Faubourg Poissonnière en début de matinée. En 1872, un projet de construction d’un canal entre Dieppe et Paris ne verra jamais le jour, une menace plus sérieuse arrive à cette époque avec le début du chemin de fer. En 1853, Dieppe est à quatre heures de Paris, le Chasse-Marée est terminé. Autrefois, la mer remontait le lit du fleuve côtier l'Arques, dans laquelle se jetaient la Béthune, l'Eaulne et la Varenne, envahissant toutes les terres de la vallée jusqu'à Arques. La hauteur d'eau pouvait atteindre un mètre à marée haute. Le trajet de la rivière suivait naturellement le pied de la falaise jusqu'à la hauteur du vieux château puis tournait pour se jeter dans la mer dans le milieu du quai Henri IV.A cause des galets qui venaient constamment boucher le chenal, il fut décidé de creuser un nouveau chenal plus à l'Est, à hauteur de la Tour aux crabes, c’est le chenal actuel. Le premier fut abandonné et remblayé, voilà pourquoi le sous-sol de Dieppe est constitué en grande majorité de galets. Ce phénomène se voit lors de travaux de terrassement dans la ville. Dans la vallée, pour éviter que les terrains soient submergés, il est décidé de canaliser le parcours de la rivière et de le contrôler. La rivière sera détournée et ira dans le Bassin de Retenue, l'eau sortira par le canal des chasses. Le canal des chasses était le passage ou se trouve la cale sèche actuelle, le goulet a été gardé pour construire celle-ci, devenue maintenant un stockage de bateaux de plaisance et allait en direction de l'avant-port à l'extrémité duquel une écluse fut construite le 15 mai 1777.Deux autres écluses voient le jour et empêchent la mer de remonter dans l'Arques et d'envahir les terres et prairies. Elles sont munies de clapets qui se ferment à l'arrivée de l'eau de mer à marée montante et qui s'ouvrent à marée descendante libérant l'eau stockée derrière. Une partie du canal des chasses servira plus tard à la construction de la cale sèche en 1889 / 1895, qui sera rallongée en 1965 devenant trop courte pour les nouveaux navires. L'entrée du port est protégée par deux jetées, la jetée Est qui a une longueur de 628 mètres, la jetée Ouest qui a, quant à elle, une longueur de 685 mètres. Elles sont un semblant de protection contre l'invasion des galets dans le port, lors de vents très violents venant de l'Ouest. En 1840, l'avant-port s'étendait en direction du Quai de la Poissonnerie, quai pour l'embarquement des promenades en mer. Il est décidé à l'époque de la construction d'une écluse à l'entrée du bassin Duquesne, permettant à celui-ci de devenir un bassin à flot. L'écluse construite en 1806-1812 est munie de deux paires de portes en bois, gérant l'eau dans le bassin. On construit en 1830 un pont tournant à une seule voie, fait de bois, il pivote sur un axe muni de roues en acier qui se déplacent sur des rails. Une restauration sera nécessaire en 1861.Les murs de soutien des quais Duquesne sont réalisés de 1834 à 1837. Au fond de ce bassin, sur le quai du Tonkin actuel, la Chambre de Commerce commande en 1864 la construction d'une grue de 30 tonnes. Ce quai était destiné au stockage du bois et du charbon. La grue existe toujours et a été remise en état en 2013.Le bassin Duquesne devenant trop petit pour le trafic, on pense à un terrain marécageux situé à proximité, où est la Mairie de Dieppe actuellement. Ce terrain appelé à l'époque « champ du pardon » était le lieu où l'on enterrait les pestiférés. C’est sur ces lieux que sera construit le Bassin Bérigny, ce bassin creusé en 1813-1817, puis curé en 1855-1858, a permis d'avoir un tirant d'eau pour les bateaux égal à celui du bassin Duquesne. Devenu trop petit, des travaux sont, à nouveau, réalisés avec l'agrandissement du bassin en 1866. Le bassin est muni lui aussi d'une écluse construite de 1806 à 1812. Elle a été réalisée pour recevoir deux paires de portes, mais une seule fut posée en 1829. Des travaux d'entretien, en 1847 et 1867, furent nécessaires pour remplacer les portes vieillissantes. Un pont tournant permettait le passage entre la gare et la ville. Construit en 1830, ce pont est semblable au pont du Bassin Duquesne sauf pour sa longueur. La longueur du Bassin Bérigny avoisinait les 325 mètres, de long, mais l'accès au bassin s'avérait compliqué et il fut décidé, dans les années 1934-1936, de remblayer le bassin. Sur cette zone remblayée, que l’on appelait Parc Ango, les foires d'été et d'hiver, dans les années 1950-1960, s’installaient et serpentaient entre les baraquements en bois. La rivière l'Arques, qui autrefois coulait au fond de l'avant-port dans le devenu Bassin Duquesne, avait été dirigé dans deux canaux identiques et parallèles appelés pour l'un "bras de flottaison" et pour l'autre "bras de navigation" ils seront détruits en 1866. La rivière se déverse maintenant totalement dans le Bassin de Retenue par l'intermédiaire d'une écluse qui fut réalisée en 1842. Le bassin de la retenue des chasses et l'avant-port peuvent communiquer par l'intermédiaire d'un pertuis de 200 mètres de long, l’emplacement de la cale sèche actuelle. Un pont en bois permettait la traversée vers Dieppe, il sera restauré en 1853, puis on décide de modifier le parcours du passage de la mer entre l'avant-port et le Bassin du Canada actuel, ainsi débutent les travaux de terrassement du chenal du pont Colbert, le 15 mars 1886. Le chantier, pour l'époque, est gigantesque, fait avec peu de moyens et de matériels, tout se fait essentiellement à la main, à la vue des photos de l'époque retrouvées
Dans la foulée, le pont tournant devenu Pont Colbert entièrement métallique et assemblé avec des rivets démarre en 1887 pour se terminer en 1889. Le passage roulier possède en son milieu une bande que l'on supprimera, devenue gênante pour le passage des voitures. Le pont de l'époque ne possède pas de passages piétons extérieurs, les travaux pour poser ces passages seront faits en 1938. Au fond du nouvel avant-port, on construit vers 1918 un terminal pour les Ferry-boats. Il est implanté à la sortie de l'Arques juste à côté des voûtes et assure quelque temps une ligne avec l'Angleterre. L’estacade sera démontée en 1925 / 1928. Les trains circulent sur les voies derrière les anciens hangars à bananes. Puis survient la deuxième guerre mondiale, avec ses drames et sa misère. Le port va subir de nombreux dommages avec des bombardements sur la ville par les Allemands, les 11 / 14 mai 1940. Le 9 juin de la même année, la ville est occupée par les troupes de la Wehrmacht. Le 19 août 1942, les troupes canadiennes vont tenter un débarquement, qui se soldera par un échec cuisant et un bilan humain énorme. Suite à ce tragique moment de l'histoire de la libération de la France, les alliés préparent en cachette un débarquement de grande envergure et, le 6 juin 1944, des milliers de soldats débarqueront en Normandie. A Dieppe, les Allemands voyant l'issue de la guerre tourner, se replient en détruisant à l'explosif les infrastructures pouvant servir aux alliés (hangars, grues, quais, ponts), tout ce qui pouvait servir à un éventuel débarquement. Dans la nuit du 31 août 1944, le pont Colbert sera dynamité comme beaucoup d'autres sites. Le pont qui est en position ouverte se retrouve coupé en deux morceaux au sec sur le quai. Il faudra attendre l'année 1946 pour le voir de nouveau opérationnel ; il est remonté à l'identique avec des moyens plus que réduits, aucune grue, une simple chèvre faite avec des troncs d'arbre et des treuils à main. Les ouvrages seront réparés progressivement. La jetée Ouest dynamitée en son milieu sera réparée dans les années 1950, suivra la construction du pont Ango en remplacement de l'ancien pont Duquesne construit en 1881, qui lui aussi fut détruit par les Allemands (il s'agissait d'un pont tournant). Suite aux travaux d’aménagement du port, le passage du pertuis au fond du Bassin Duquesne, sera comblé. Pour permettre aux bateaux de rester à flot, une écluse neuve sera construite dans les années 50 en face des anciennes glacières Trudaine, devenues les ateliers Leveillard. Les travaux de réparations des dommages de guerre réalisés, on se rend compte que d'autres améliorations sont nécessaires ; l'agrandissement du hangar d'Afrique dans la partie Sud, la réunion des hangars à bananes par une jonction entre le hangar du Levant et le hangar des Antilles. Les bateaux devenant de plus en plus gros, la passe de la passerelle Amiral Rolland subit un élargissement, un peu plus loin le pont Alexandre est détruit. En 1944 il est réparé puis remplacé en 1963, par la construction d'un nouveau pont, qui devient par la suite gênant pour le passage des gros navires, il sera supprimé en 1970. Son tablier sera conservé et deviendra le passage roulier de la passerelle roro du Bassin de Paris. On fait également disparaître les deux promontoires en béton pour ne faire qu'un seul bassin avec celui de bassin de Paris. Le dock flottant devenu trop vieux, est vendu pour l'achat d'un nouveau plus moderne. La flottille des bateaux de pêche se modernise, les bateaux deviennent plus gros et plus lourd et doivent aller dans d'autres ports pour être réparés. Devant ce problème la construction d'un synchrolift en 1975 permettra de monter des bateaux beaucoup plus lourds. Il sera remplacé, en 2010, par l'élévateur à bateaux actuel. Dans le même temps, une liaison rapide démarre (avril 1979) avec le bateau rapide Seat. La liaison avec l'Angleterre voit le jour, le terminal de cette ligne se trouvait à la place du Syndicat d'Initiative actuel. Il a fallu démonter l'appontement en bois derrière le poste de commandement du pont Ango, pour y construire la gare, la ligne ne sera pas fiable pour cause des retards et pannes à répétitions. Elle sera fermée définitivement en août 1980. Dans l'arrière-port, une deuxième rampe roro est construite à l'emplacement du gril en bois devant le bâtiment B.C.M.O, occupé maintenant par les bureaux de la gendarmerie maritime. Cette rampe servira pendant un certain nombre d'années à la Compagnie Schiaffino pour le chargement des remorques T.O.E à bord de l'Exxtor. Elle servira également pour les car-ferries, pendant la réparation de la rampe du quai Henri IV (la rampe rendue inutilisable pendant plusieurs mois, suite à un tragique accident qui couta vie à un chauffeur espagnol). En décembre 1998, en pleine nuit, dans un bruit assourdissant la passerelle Guynemer se retourne pour des raisons restées inconnues, par miracle il n'y a personne à bord. Elle sera découpée et partira à la ferraille. Une partie des chantiers énumérés sont ceux auxquels mon père a contribué pour le compte des Ponts et Chaussées service maritime et je pense en avoir oublié certains comme le renforcement des quais du Tonkin ou celui au niveau du hangar du Levant. Et nous terminerons par le gros chantier, la construction de la première tranche du port extérieur de Dieppe en 1998. La réalisation de la zone où s'établira la nouvelle gare maritime durera un peu moins de deux ans. Dans un premier temps, l'emplacement sert au déchargement des graves de mer et, par la suite, aux pièces lourdes et encombrantes nécessaires à la centrale électronucléaire de Penly. L'endroit à besoin d'être protégé des tempêtes venant de l'Ouest et la construction d'une rallonge de la jetée Ouest devient nécessaire pour la protection du site, dès lors la deuxième tranche des travaux de celle-ci commence. On fait venir par la mer, d'énormes blocs de béton préfabriqués, tractés par des remorqueurs, les caissons s'ajusteront les uns dans les autres, pour réaliser une jetée de 200 mètres de long, l'inauguration aura lieu le 16 octobre 1992. Pour agrandir le passage entre les deux jetées, on démonte le brise-lames en bois à l'extrémité de la jetée Est et son phare lumineux rouge. En juin 1990, officiellement, la première pierre, du port extérieur quai Gaston Lalitte, est posée, l'inauguration aura lieu le 27 juillet 1994 et deviendra le terminal transmanche actuel.