Saint Julien de Beychevelle
Le territoire de Saint-Julien est situé en Médoc au bord du vaste estuaire de la Gironde, dont les flots ont apporté, à l’ère quaternaire, les matériaux graveleux qui en constituent le terroir. La rivière commande très largement le microclimat local, apportant une douceur bien particulière dont la vigne sait profiter pour mûrir ses raisins. Au Sud, ce sont des marais, impropres à la vigne, qui limitent Saint-Julien, drainés par la Jalle dite du Nord. Au Nord, le Ruisseau de Juillac est la limite avec Pauillac, à l’Ouest le Ruisseau du Riou la frontière avec la commune de Saint-Laurent. À l’Est, une bande d’alluvions argileuses plus récentes que les graves séparent de l’estuaire. Les masses de graves déposées par la rivière ont été au cours des millénaires façonnées par l’érosion du vent et des cours d’eau, découpant une série de croupes sur lesquelles s’étale le vignoble.
Si l’on trouve des traces de vignoble à Saint-Julien dès le XIIIe siècle, c’est véritablement au XVIIe siècle que des domaines viticoles se développent. Le vignoble se situe autour des bourgs de Saint-Julien au Nord et de Beychevelle au Sud.
Source : IGNRando
Le Port de Beychevelle
Le port de Beychevelle est situé à la confluence de la Jalle du Nord avec l'estuaire, à l'extrémité du parc du Château Beychevelle. On y distingue encore les vestiges d'une cale aujourd'hui enherbée. La Jalle est dotée d'une porte à flots permettant de gérer le niveau des eaux, à marée haute et à marée basse.
Sur les cartes de la 1re moitié du XVIIIe siècle, les ports de Beychevelle et de Saint-Julien ne sont pas mentionnés ni matérialisés. Si les chenaux sont visibles, aucune route ne semble les longer.
Ils apparaissent en revanche sur la carte de Belleyme (1767). Par convention passée en 1739 entre M. de Brassier, seigneur de Beychevelle, et les habitants, il cède l´usage du chemin conduisant au port de Beychevelle et l´espace qu´occupe ce dernier, qui lui appartiennent. Le plan cadastral de 1825 indique les chemins menant de Saint-Julien au port et de Beychevelle au port. Un bâtiment figure sur les bords du chenal de Beychevelle.
En 1826, le port est jugé difficilement accessible et nécessite l´aménagement d´un perré et d´un embarcadère en charpente à claire voie. Les projets et plans en sont fournis par l´ingénieur Saint-Aubin. En 1832, certains travaux restent inachevés : il est notamment nécessaire de relier le chemin et le peyrat avec une chaussée.
En 1838, des travaux sont menés sur les devis et plans de l´ingénieur Deschamps. M. Guestier, propriétaire de Beychevelle, propose d´en avancer la dépense. En 1844, ce dernier indique que 5000 à 6000 passagers s'embarquent ou débarquent chaque année du bateau à vapeur et ce depuis 18 ans. Il mentionne également 61 gabarres de 30 tonneaux de port chacune qui en font mensuellement le service.
Cette même année et vu cette fréquentation, un projet de débarcadère, dressé par l´ingénieur Chambrelent, est approuvé tout en préconisant la suppression de l´estacade principalement destinée à empêcher le déplacement latéral du tablier mobile et la mise en place d´un fanal.
En février 1858, le ponton du débarcadère subit une avarie suite à l´abordage brutal d´un bateau plat nommé Chateaubriant.
En 1867, plusieurs pièces de bois du débarcadère doivent être remplacées.
À nouveau en 1871, une avarie détruit l´appontement du débarcadère. A cette époque, le port est concurrencé par l´arrivée du chemin de fer et sa fréquentation est en baisse. M. Guestier qui en avait la concession pour l´exploitation depuis 1845 renonce à cette activité et propose que l´appontement en charpente ne soit pas reconstruit et seul le ponton soit maintenu. Les voyageurs seraient alors transportés de la rive au ponton par un petit bateau et pourraient facilement s´embarquer sur le bateau à vapeur. En 1874, il va plus loin en demandant la suppression même de l´escale, ce qui ne semble pas avoir été adopté puisqu'en 1891, autorisation est donnée de construire une guérite abri pour les voyageurs.
En 1913, le peyrat du port de Beychevelle, de 60 m de long sur 1 m 50, est décrit en mauvais état et la réfection du pavage y est nécessaire.
Les carrelets et la pêche
Quand on flâne sur le port, on entend dire par des gens qui ne la connaissent pas : "qu'elle est sale cette eau, qu'elle est boueuse!" et pourtant comme je l'aime cette rivière qui m'a vu naître et grandir. C'est justement parce qu'elle est boueuse qu'elle garde ses secrets.
L'hiver on peut y pêcher les pibales*(1), dès le mois de février les premièrs mûles* arrivent droit de l'océan. C'est aussi la montée des anguilles qui commence, ensuite c'est la lamproie qui arrive, puis l'alose, la gatte et quelques bars suivis par le saumon et l'esturgeon. L'été se passe sans grand remue ménage car il fait chaud.
Mais, vers la mi-août les crevettes sont au bord, et en abondance. Grands et petits s'y amusent à coeur joie avec des balustrets*. En septembre on doit prendre de belles plâtuches*(2), puis le mule des vendanges.
Il y a également des poissons d'eau douce comme la carpe, la brême, le barbeau, le brochet, le sandre, la tanche et le gardon. Bien sûr, le poisson chat est présent partout.
Si l'on suit les jalles qui se jettent dans la rivière plus on remonte, plus on trouve d'eau douce et on peut y pêcher tous les poissons d'eau douce, mais aussi des plâtuches qui remontent assez loin, ainsi que des lamprillons.
Par contre, dans nos marais on ne rencontre pas de sandre, ni de barbeau mais il y a de la perche franche et de la perche arc-en-ciel, sans compter les grenouilles.
1 : je parle en terme d'ici, la pibale c'est la civelle, le mule c'est le mulet et la plâtuche c'est le carrelet.
2 : Balance à crevettes
Texte de Jean Jacques Cazeau (1990)
L'église de Beychevelle
« C’est une des plus jolies paroisses non pas du diocèse de Bordeaux mais de France »
Monseigneur Donnet Archevêque de Bordeaux (1850).
Pour certains, l’église de Saint-Julien est exceptionnelle voire la plus belle du Médoc, pour d’autres, elle est simplement différente de toutes les églises. Saint-Estèphe, Pauillac, Arcins, Cantenac… ont un style particulier en forme de temple. Avec le boum viticole du XVIIIe siècle il y a eu des initiatives de détruire des églises romanes et de construire les églises actuelles. Une caractéristique de ces églises austères à l’extérieur et l’intérieur baroque très travaillé (Saint-Estèphe, Cantenac). Au XIXe siècle encore un nouveau style, le cardinal Ferdinand Donnet souhaite des clochers différents pour qu’ils se voient de loin, seul celui de Cantenac conserve sa taille initiale.
Source : site internet officiel de la commune
Château de Beychevelle
Des hommes de pouvoir, des femmes de goût
De tous temps, les hommes de Beychevelle règnent sur leurs terres en veillant à donner au château tout son prestige.
Depuis sa construction en 1565 par l’évêque François de Foix-Candale, puis le règne des Ducs d’Epernon (dont le grand amiral Jean-Louis Nogaret de la Valette est le premier), sa reconstruction en 1757 par le marquis de Brassier, son agrandissement par la famille Heine, puis la dynastie de la famille Achille-Fould jusqu’en 1986, le château ne cesse d’étonner ses visiteurs, aussi bien par ses vignobles que par ses lieux de vie.
La réputation de Beychevelle et son embellissement ne seraient tels bien sûr sans l’aide de femmes d’exception comme Marie-Amélie Kohn, Madame Guestier, Madame Heine, Marie-Louise Fould ou encore Lillette (Elisabeth de Foucaud) qui ont marqué son histoire, son style, sa décoration, son sens de l’accueil et ses magnifiques jardins.
Aujourd’hui, Château Beychevelle appartient à Grands Millésimes de France détenu par les groupes Castel et Suntory, représentée par Monsieur Nobuhiro TORII.
Embellir pour toujours bien accueillir
L’envie d’accueillir et de recevoir de la plus jolie des manières naît à l’époque où les Heine résident à Beychevelle.
Le couple met tout en œuvre pour embellir le château. Monsieur prend en charge le nivellement de la cour d’entrée et la décoration du portail pendant que, côté jardin, Madame fait réaliser un paysage de conte de fées : des sculptures, une serre abritant des orangers du Brésil et des arbustes tropicaux, un volière à oiseaux exotiques, des allées, des chemins.
Ce désir d’embellir est resté une tradition pour les propriétaires successeurs. On dit même que « Les vins de Beychevelle peuvent être aussi beaux que sont magnifiques les jardins fleuris » (Robert Parker, 1990).
Beychevelle accueille également de par son amour pour les arts. La création en 1990 de la Fondation Beychevelle dédiée aux arts contemporains, le festival d’écriture de scénarios Equinoxe de 1993 à 2003 et le partenariat avec l’association Mécénart depuis 15 années ont donné envie à bons nombres d’artistes de venir exprimer leur créativité au cœur du château.
Une invitation au voyage
La légende qui entoure Château Beychevelle et le premier Duc d’Epernon sont à l’origine de ce nouveau chai, l’univers des voiles, du bateau et plus largement du voyage ayant guidé l’architecte Arnaud Boulain dans sa réalisation.
Aussi innovant par sa technique que par son architecture aux formes cubiques et aux grands vitrages, le nouveau chai de Château Beychevelle vient renforcer encore davantage le travail de précision effectué par les équipes du Château depuis de nombreuses années.
Source : site internet du château (extraits)
Château Ducru- Beaucaillou
Famille BERGERON de 1720 À 1797
Une rencontre fondatrice au siècle des Lumières. L’acte de naissance fut un acte de mariage. Illustre serviteur du roi, l’Écuyer Jacques de Bergeron, prit pour épouse, le 30 mai 1720, en l’église de Saint-Julien de Reignac, Marie Dejean, héritière du vignoble.
Sur les ordonnances de l’estimé Conseiller au Parlement de Bordeaux, les vins bénéficièrent d’une large distribution, notamment dans les pays scandinaves. Les Archives municipales de Bordeaux datant de la Révolution indiqueraient qu’une épée et un pistolet auraient été confisqués par les autorités à des Suédois, alors de passage au château.
Famille DUCRU de 1797 À 1866
Natif du Béarn, dynamique négociant, fondateur de sa propre maison de commerce, Bertrand Ducru acquit la propriété en 1797. Son amour pour le cru médocain l’amena à consentir à d’importants investissements tant dans les chais que dans le vignoble. Au point que ses successeurs décidèrent d’accoler son nom à celui de Beaucaillou. L’infatigable bâtisseur a puissamment contribué au rayonnement du domaine par la valorisation des terres et la transformation de la maison girondine en élégante chartreuse Directoire surplombant l’estuaire.
Le Baron Antoine-Auguste Ravez (1797-1857), épousa Marie-Louise Ducru, fille de Bertrand Ducru et Marie Duluc. Son père, le Comte Auguste Ravez (1770-1849), avocat, Pair de France (1829-1830), député de la Gironde (1816), Président de la Chambre des Députés, sous-secrétaire d’Etat à la Justice (1817-1818), aurait fait remplacer le traditionnel verre d’eau des orateurs parlementaires par un verre de Ducru-Beaucaillou afin de faire honneur au vin de sa belle-fille.
Bertrand Ducru décéda en 1829. Ses deux enfants dirigèrent alors le domaine. En 1860, Marie-Louise Ravez racheta les parts de son frère, Jean-Baptiste Gustave Ducru, et devint seule propriétaire.
Sous son égide, la propriété connut la plus forte progression qualitative au sein de l’appellation Saint-Julien et le cru fut sous son ère le plus chèrement vendu. Consécration lors du classement 1855 : le château Ducru (Beaucaillou) figurait noblement sur la deuxième marche du podium bordelais.
Famille JOHNSTON de 1866 À 1928
Le 3 mars 1866, Ducru-Beaucaillou est vendu à Lucie-Caroline Dassier, épouse du négociant Nathaniel Johnston. Ce brillant polytechnicien, nourrissant une passion pour le Médoc, s’entoura des meilleurs experts et fit souffler un vent de modernité sur la propriété.
En 1878, deux ans après le décès de son épouse, Nathaniel Johnston contracta une seconde alliance avec la Princesse Marie Caradja de Constantinople (1854-1910), fille du prince Constantin de Turquie. Désireux d’embellir Ducru-Beaucaillou à la hauteur de ses vins, il érigea deux tours victoriennes pour encadrer la chartreuse initiale, avec le célèbre architecte Michel-Louis Garros, et son complice, Eugène Bühler, pour créer un parc paysager planté d’essences rares. Sur ses ordonnances, la demeure, l’une des plus somptueuses de la Gironde, rivalisa de luxe, de sophistication et d’exotisme.
Grâce aux loyaux efforts des Johnston, incarnation de l'esprit bordelais et du haut commerce, les crus de Ducru-Beaucaillou connurent une aura internationale.
En 1884, Nathaniel Johnston mit au point avec le concours de son régisseur Ernest David et d’Alexis Millardet la fameuse "bouillie bordelaise", très efficace contre le mildiou, plasmopara viticola, champignon originaire des Etats-Unis au XIXème siècle, qui a infesté rapidement l’ensemble du vignoble français.
En 1904, Nathaniel Johnston fut le premier président du Syndicat des grands crus classés du Médoc. La Première Guerre Mondiale, la révolution bolchévique d’octobre 1917, la Prohibition américaine (1920) affectèrent durement les affaires des Johnston. Le cœur meurtri, ils cédèrent Ducru-Beaucaillou en 1928.
Famille DESBARATS de 1928 À 1941
Fernand Odon Desbarats, bouillonnant négociant en vins médocain, a épousé Mary Butler de Burke, fille d’une puissante famille anglaise établie en Irlande. Elle avait entre autres activités une branche d’importation de vins qui distribuait notamment ceux de notre zélé commerçant bordelais. En remploi de la dot de Mary, le couple acquit Ducru-Beaucaillou en 1928.
Après avoir supporté les effets catastrophiques de la Grande Dépression, combinés à la pénible décade des années 30 où se succédèrent de bien médiocres millésimes, ils mirent la propriété en vente après seulement dix ans de gestion. La vente tarda à se conclure et c’est finalement en 1942 que Francis Borie, déjà propriétaire d'un grand cru dans la commune voisine de Pauillac, en prit les rênes.
Famille BORIE
Francis & Jean-Eugène BORIE
En 1942, Francis Borie prit donc Ducru-Beaucaillou en fermage viager à Fernand Odon Desbarats de Burke. Bâtisseur acharné, l’énergique négociant corrézien fut aussi viticulteur passionné au château Haut Batailley, Grand Cru classé de la commune voisine de Pauillac. De tous aimé et respecté, Francis avait une profonde douceur d’âme ; la générosité est ce dont il manquait le moins.
En 1959, Jean-Eugène, succédant à son père, entreprit un méticuleux travail de remise en état du vignoble et des chais. Abandonnant rapidement le négoce familial, il se dédia au développement et à la modernisation de la propriété pour la mettre tout entière au service des vins qu’il aimait « grands ».
Ses efforts considérables commencèrent à porter leurs fruits dès la seconde moitié des années 50 où la réputation de Ducru-Beaucaillou se hissa au plus haut niveau de Bordeaux pour n’être jamais démentie depuis. Ses superbes millésimes, associés à sa modestie et à son humour pince-sans-rire, en ont fait une des plus attachantes personnalités du Médoc.
Monique BORIE
Elevée au château Ducluzeau, dans l’appellation Listrac, elle convola en noces avec Jean-Eugène Borie en 1950, deux années après son baccalauréat. Monique Borie occupe toujours ses appartements dans l’aile nord du château, non loin de ceux de son fils, Bruno-Eugène. En parfaite communion de pensées, tous deux ont maintenu intacte une puissante cellule familiale. Monique Borie, présidente du Conseil de Surveillance depuis 1998, possède une grande force de caractère, épaulée par une belle curiosité intellectuelle.
Affabilité pareillement distribuée, discrétion, raffinement ne sont pas ses moindres qualités. Les années ne semblent pas avoir de prise sur la Dame de Beaucaillou.
Au début des années 2020 pourtant, elle a décidé de prendre quelque recul et a laissé, avec enthousiasme et confiance, sa place de Président du Conseil de Surveillance à Jack Bouin, qui venait de prendre sa retraite à l'issue d'une remarquable carrière, unanimement saluée, au Crédit Agricole, dont il a notamment été le brillant Directeur Général Aquitaine.
Bruno-Eugène BORIE
Quelque soixante années plus tard, le fils de Monique et Jean Eugène, Bruno-Eugène, poursuit l’œuvre de son père et redéfinit la politique de sélection. Infatigable perfectionniste, doué d’une force de travail peu commune, il a lancé cette année un ambitieux projet décennal de « refondation durable » dans les vignes et les chais.
Passionné d’art et de design contemporains, la sensibilité toujours en éveil, Bruno-Eugène a parallèlement confié la restauration du château à une autre princesse, Sarah Poniatowska - descendante du bien-aimé monarque, Stanislas II de Pologne. Ducru-Beaucaillou vogue désormais au sommet, toutes voiles dehors, avec une série de millésimes d’un superbe niveau, illustrant à la perfection le grand style soyeux de Saint-Julien, comme en attestent les notes superlatives attribuées au millésime 2019.
Source : site officiel du château (extraits)