L'église de Caunay
Quelque peu oublié, cet édifice est pourtant fort intéressant, offrant notamment une quarantaine de chapiteaux sculptés dans sa partie orientale.
Des questions en suspens
La petite église de Saint-Pierre aux Liens de Caunay, qui fut probablement construite dans la première moitié du XIIe siècle, appartenait alors à l’abbaye bénédictine de Saint-Jean-d’Angély (un édifice antérieur est cité dans la seconde moitié du XIe siècle). Son vocable est lié à la légende de la délivrance de Pierre par un ange la veille de son exécution et put s’échapper à l’insu des soldats romains qui le gardaient.
Comme beaucoup d’autres, l’église subira les différents conflits ayant malmené la région et notamment les guerres de religion entre communautés protestante et catholique. C’est probablement la partie ouest qui aura payé le plus lourd tribut. En effet, il n’y a actuellement pas d’entrée sur la façade ouest, l’accès se faisant par une porte sur le mur sud. Il est raisonnable de penser qu’un portail était présent de ce côté-ci au XIIe siècle. La question qui se pose, vraisemblablement sans réponse, est de savoir s’il était aussi richement orné que le chevet...
Des choses qui se disent à l’oreille
On chuchote décidément beaucoup au chevet de l’église de Caunay. En effet, trois chapiteaux montrent deux visages et une gueule d’animal affublés d’oiseaux ou de serpents au niveau des oreilles. Doit-on voir dans la présence des serpents la symbolique de la tentation, les animaux en question insufflant des idées maléfiques dans le cerveau des écoutants ? Pauvre serpent qui doit porter, depuis plus de 2000 ans, ce lourd fardeau qui n’est pas le sien ! Cette figuration composée de visages cernés par des animaux revient régulièrement sur les chapiteaux mellois avec des variantes diverses selon les édifices, l’exemple le plus connu se trouvant sur la façade de l’église de Saint-Génard.
Le chant des sirènes Une petite sirène à deux queues est présente sur le chapiteau faisant face au visage cerné par des animaux. Cette sirène pourrait être vue comme l’emblème de la tentation, ce qui la relierait avec l’autre chapiteau. Pour certains auteurs, la sirène à deux queues serait également le symbole de la dualité humaine, partage entre vie organique et spirituelle. D’autres encore voient dans cette figure le thème de la fécondité, les deux queues relevées étant à mettre en relation avec l’idée de gestation et de naissance. On devine à travers cet
exemple toute la complexité liée à la symbolique romane. À Caunay toutefois, la chevelure stylisée qui entoure son visage (similaire à celles de Vançais) et le dessin affirmé de la poitrine nous emmènent probablement plus
dans le monde de la séduction et de la tentation.
Un autre très bel exemple de sirènes à deux queues est visible sur un chapiteau de l’église toute proche de Sainte-Soline.
Ces deux chapiteaux précédemment cités aident à comprendre clairement ce que l’on appelle le style limousin. En effet, aucun tailloir ne vient rompre la continuité entre les tores, ces moulures qui entourent les voussures de la baie et la corbeille des chapiteaux. Ce style est présent sur d’autres monuments mellois comme l’église Saint-Pierre de Melle par exemple, ou bien encore Saint-Génard, Clussais-laPommeraie…
Des échanges ont sans doute eu lieu entre Limousin et Poitou durant la période romane. On sait notamment que l’abbaye de Celles-sur-Belle était à l’origine un prieuré dépendant de l’abbaye limousine de Lesterps.
Y-aurait-il un lien entre les baies limousines observées ici et là et cette dépendance ?
À l’intérieur
Le chœur et sa travée droite possèdent, eux aussi, des chapiteaux ornés (il faut imaginer une travée droite voûtée à l’origine et non pas charpentée comme elle l’est actuellement). Un petit lion, présent sur un chapiteau de la baie côté nord de la travée, exécuté de manière assez fruste, a une position bien originale. En effet, sa croupe sort du cadre de la corbeille pour venir se poser sur le mur. Cette position dénote une certaine liberté prise par le sculpteur de cette pièce face à certains codes régissant la sculpture romane en général. Ici aussi, on peut voir de beaux exemples de baies limousines et notamment la baie axiale de l’abside.
Pour qui prendra son temps, de nombreux détails intéressants se dévoileront : pierres tombales, bénitier en forme de coquetier (une forme que l’on retrouve à plusieurs reprises dans la région), vitraux, chemin de croix... Et même si l’église de Caunay ne fait pas partie des édifices dits majeurs du Mellois, elle aura quand même des
choses à vous dire, voire à vous chuchoter.
La Fontaine de Fontadam
Sur la route menant de Clussais-La Pommeraie à Vanzay, sur la gauche, au milieu d'un bois, vous découvrirez une fontaine, celle de Fontadam. Il est dit que cette fontaine posséderait des vertus miraculeuses, son eau guérirait de nombreux maux en la buvant ou en l'appliquant sur la peau...
Une fontaine aménagée en deux parties, source et vivier. Très belle vasque ronde.Un calvaire y a été érigé en septembre 1925 en mémoire de cette ancienne occupation.
Une lettre parue dans les affiches du Poitou du 26 novembre 1785, p. 141 donne les renseignements suivants sur l’état de Fontadam à cette époque :
“Il ne reste plus des anciens bâtiments que quelques pierres paraissant avoir formé des murs et qui sont couvertes de broussailles, au milieu desquelles s’élèvent quelques arbres que le temps a presque détruits.
Devant la maison, au Sud, était une cour d’environ un arpent; des pieds des murs à l’Est, sort une fontaine connue sous le nom de Font-Adam qu’on ne voit jamais tarir, quoiqu’elle ne paraisse pas couler abondamment...”
Histoire
Cette celle dut être fondée entre 1140 et 1163. Le lieu marécageux était peu propice à cette implantation. Aussi la communauté ne fut jamais nombreuse : trois religieux en 1295. Unie au prieuré de la Carte en 1317, elle ne fut bientôt qu’une ferme. Des bandes de soldats licenciés, peut-être des armées du Duc de Berry, la pillèrent vers 1380 . Fontadam était devenu inhabitable . Ceci est confirmé par une supplique envoyée au pape Eugène IV le 1er juillet 1441 indiquant que le prieuré de Fontis Ade est ruinosus depuis cinquante ans, et que personne ne peut y habiter, et qu’il manque de l’argent pour exécuter les réparations
Le 11 Novembre 1462, un bail est conclu par Jean Joubert, Prieur de la Carte et de ses annexes, d’une pièce de terre en bois et en friche dépendant de Fontadam .
Le 24 mars 1563 la sénéchaussée de Poitiers condamne Rose Doyneau, veuve de François Doyneau, seigneur de Souline, lieutenant général du Poitou, au paiement d’une rente de cent sous .
Le 7 août 1568, un bail à ferme est conclu entre le prieur Arnaud d’Estissac et frère Pierre Baudouin, religieux à la Carte, des revenus de ce prieuré et de ses annexes dont Fontadam, pour cinq ans.
Le monastère de la Carte dont Fontadam dépendait fut donné à la Compagnie de Jésus de Poitiers, par le général Rigaud de Lavaur en remerciement de services que la Compagnie avait rendu aux Grandmontains. Un brevet du Roi en date du 28 octobre 1605 complèta cette libéralité en abandonnant aux Jésuites la mense priorale. Ils en prirent possession le 30 avril 1607, moyennant le versement annuel d’une redevance de 120 livres que le prieuré de la Carte versait au chef d’Ordre. Cette redevance fut versée au Collège Mignon jusqu’en 1769.
Un procès survint peu après entre le fermier de Fontadam et les nouveaux propriétaires. Le fermier prétendait ne devoir la ferme qu’au seigneur du lieu, Messire Emery de Barbezières, seigneur de la Roche Chemeraud et comte de Civray, qui s’était rendu, soi-disant acquéreur du lieu de Fontadam, par une vente des biens ecclésiastiques faite avec la permission de sa Sainteté, et par l’ordre de sa Majesté. Devenu veuve sa femme Claude de l’Aubespine, usufruitière du bien, voyant le peu d’intérêt qu’elle avait à conserver ce bien, demanda à son fermier de laisser la jouissance du bien aux Jésuites. Elle confirma par un acte son désistement sur ses prétentions le 3 février 1611 .Dans un bail passé par les Jésuites en 1692, le domaine de Fontadam était décrit dans ces termes :
“Le lieu de Fontadam dépendant du prieuré de la Carte consistant en bois taillis, près, terres, eaux, pêcheries, cens, rentes, devoirs, dîmes, terrages, rentes et honneurs, droits de levage de chail servant aux meulanges qui se lèveront de la dite terre et généralement tout ce qui dépend de la dite terre”.
Le 7 juillet 1791, les biens dépendant de l’ancien prieuré sont vendus aux enchères par l’administration du district de Melle avec la désignation suivante :
“Cinquante boisselées de terre en pré et pacages, closes de haies et murs de pierres sèches, situées près de la fontaine de Fontadam; une autre pièce de terre d’environ 18 boisselées, partie taillis, partie pâtis, appelé le Grand Taillis; une troisième pièce d’environ 20 boisselées sur laquelle était bâti le ci-devant monastère de Fontadam, et une quatrième pièce de soixante boisselées environ, partie en bruyère, partie en bois, touchant les précédentes, le tout dépendant des cy-devant jésuites et situé sur la paroisse de Caulnay”.
L’adjudication fut faite au prix de 14.100 livres.